Comme nous le décrivons ci-dessous, les données issues des quelques quarante années depuis la parution de l’étude LTG indiquent que le monde suit de près le scénario BAU. Dans celui-ci, au cours du 20ème siècle, l’augmentation de la population et la demande de richesse matérielle conduisent à l’augmentation de la production industrielle, qui croit à un rythme supérieur à celui de la population.
La pollution issue de l’activité économique augmente, mais à partir d’un niveau très bas, et n’affecte pas sérieusement la population ou l’environnement. Cependant, l’activité industrielle accrue demande toujours plus de ressources en intrants (malgré la compensation d’un gain d’efficacité), et l’extraction des ressources nécessite un capital (machines) produit par le secteur industriel (qui produit également des biens de consommation).
Jusqu’à ce que la base de ressources non renouvelables soit réduite à environ 50% du niveau initial ou final, le modèle World3 supposait que seule une faible part du capital (5%) est allouée au secteur de l’extraction des ressources, simulant un accès à des ressources aisément extractibles ou de haute qualité, ainsi qu’à l’amélioration de l’efficacité des techniques d’investigation et d’extraction.
Cependant, lorsque les ressources tombent en dessous du niveau de 50% du stock (moment de la déplétion NDT) au début du 21ème siècle tel que simulé par le modèle, et qu’elles deviennent plus difficiles à extraire et transformer, le capital nécessaire commence à augmenter. Par exemple, à 30% du stock initial de ressource, la proportion du capital total alloué au secteur de l’extraction atteint 50%, et elle continue à augmenter au fur et à mesure que la ressource s’épuise (indiqué dans Meadows et al., 1974).
Avec une part significative du capital qui va vers l’extraction des ressources, il n’y a plus suffisamment de capital disponible pour remplacer entièrement l’obsolescence des machines et du capital dans le secteur industriel lui-même. Par conséquent, malgré une activité industrielle accrue essayant de satisfaire les multiples demandes de tous les secteurs et de la population, la production industrielle réelle (per capita) commence à chuter précipitamment à partir de 2015, alors que la pollution générée par l’activité industrielle continue de croître. La réduction des apports de l’industrie à l’agriculture, combinée aux impacts de la pollution sur les terres agricoles, conduit à une chute des rendements agricoles et de la nourriture produite par habitant.
De même, les services (par exemple, la santé et l’éducation) ne sont pas maintenus à leur niveau par manque de capital et d’intrants. La diminution de l’offre de services et de nourriture per capita induit une augmentation du taux de mortalité aux alentours de 2020 (et une hausse plus faible du taux de natalité, en raison d’un accès réduit aux possibilités de contrôle des naissances).
La population mondiale chute alors, d’environ un demi-milliard d’individus par décennie, à partir de 2030 environ. Après l’effondrement, le résultat du modèle World3 pour le BAU (fig. 1) montre que le niveau de vie moyen de la population totale (richesse matérielle, nourriture et services per capita reflétant essentiellement les conditions de type OCDE) ressemble à celui observé au début du 20ème siècle. Les implications du scénario BAU sont sévères : la fig. 1 illustre l’effondrement global du système économique et de la population. Cet effondrement est essentiellement causé par les contraintes sur les ressources (Meadows et al., 1972), suivant la dynamique et les interactions décrites ci-dessus.
La dynamique étalonnée reflète les réponses observées dans l’économie à des changements de niveau d’abondance ou de rareté (Meadows et al., 1972), rendant superflu la modélisation des prix comme canal de communication des réponses économiques.[1]
[1] Un point particulièrement important réside dans le fait que l’offre de pétrole, d’abord élastique à la demande, devient inélastique, ce qui produit des bouleversements économiques (Murray et King, 2012, Murray et Hansen, 2013), discutés en détail dans les dernières sections.