Doit-on faire moins d'enfant pour protéger la planète ? Le débat, épidermique, revient sur la table ces derniers jours. Le démographe Gilles Pison, conseiller pour l'Institut national d'études démographiques, répond à nos questions et commente les dernières projections de population mondiale établies par l'Onu (en anglais).
Quels sont les enseignements de ces projections de population ?"Les Nations unies ont annoncé le franchissement du seuil des 8 milliards le 15 novembre prochain. Nous n’étions qu’un milliard en 1800. La population devrait continuer à croître et devrait atteindre près de 10 milliards en 2050. Ensuite, on devrait atteindre un plafond de 10,4 milliards d’ici la fin du siècle, vers 2080.
Un autre enseignement, c’est que le rythme d’augmentation de la population diminue d’année en année. Il a atteint son taux maximum, 2 %, dans les années 60. C’est moitié moins aujourd’hui, 1 %. Les Nations unies estiment qu’il va continuer de diminuer pour atteindre 0 % à la fin du siècle.
C’est à cause de la diminution de la fécondité. Son taux est aujourd’hui chiffré à 2,3 enfants par femme. C’était 5 enfants en 1950. Le taux de fécondité atteindrait 2,1 en 2050, c’est-à-dire le seuil de remplacement de la population. A la fin du siècle, il atteindrait 1,8."
C’est en Afrique que se trouvera la plus forte croissance démographique…"Si l’on prend la fécondité, parmi les régions du monde où elle est encore élevée (supérieure à 3 enfants), figure presque toute l’Afrique ainsi qu’une bande allant de l’Afghanistan jusqu’au nord de l’Inde en passant par le Pakistan. C’est là que se situera l’essentiel de la croissance démographique mondiale.
Aujourd’hui, la population du continent africain est d’1,4 milliard d’habitants.
Elle pourrait presque doubler d’ici 2050 pour atteindre près de 2,5 milliards en 2050 et près de 4 milliards en 2100. Cela représenterait plus d’un habitant sur trois dans le monde."
Des transitions démographiques (baisse de la mortalité puis baisse de la natalité) sont-elles toujours à l'oeuvre ?"La transition démographique est achevée dans beaucoup de régions du monde, où la fécondité est faible. Les femmes y ont deux enfants chacune, voire moins.
Les deux tiers de l’humanité vivent dans un pays ou une région où la fécondité est inférieure au seuil de remplacement. Il y a l’Europe, l’Amérique du Nord et du Sud, des pays d’Asie comme le Japon, mais aussi la Chine et l’Inde !
En Afrique, ce taux est nettement au-dessus : quatre enfants et demi par femme. La fécondité y baisse aussi, mais depuis moins longtemps qu’ailleurs. La transition démographique n’est pas encore achevée, elle se poursuit. Il n’y a pas de raisons que l’Afrique ne connaisse pas ces évolutions comme ailleurs."
Un dépeuplement de la terre est-il envisageable à long terme ?"Après le maximum de dix milliards d’habitants, la population pourrait diminuer. Si une fécondité basse se diffusait parout et se maintenait indéfiniment, cela se traduirait pas une extinction à terme, par manque de naissance. Cela mettrait toutefois quelques siècles ou millénaires.
Un autre scénario est possible : c’est la fécondité qui remonte dans les pays où elle est très basse, et se maintient durablement au-dessus de deux enfants par femme à l'échelle mondiale. Cela se traduirait pas une extinction à terme, mais cette fois-ci par excès. On est ici dans le très long terme, avec beaucoup d'incertitude. Mais si l'on en reste au proche avenir, d'ici 2050, les projections démographiques qu'ont réalisé les Nations unies sont très solides."
Y-a-t-il un lien à faire entre démographie et écologie ? Doit-on arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ?"Il est illusoire de penser pouvoir agir sur la population à court terme. L’inertie démographique est forte. Même si l’on avait comme en Europe, 1,5 enfants par femme dans le monde, la population continuerait d’augmenter pendant encore quelques décennies, car la population comprend encore beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants.
Il y a par ailleurs encore peu de personnes âgées au niveau mondial, donc peu de décès. L’humanitén’échappera pas à un surcroît de deux milliards d’habitants d’ici 2050. On ne peut pas aller contre l’inertie démographique.
Concernant le réchauffement climatique, nous avons les clés en main. Ce sont les modes devie qui sont en cause. Nous pouvons, et devons, réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, ceci sans délai."
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