L'Ecole Centrale de Nantes a créé une option "ingénierie des projets low tech" dans son cursus. Dans l'esprit, c'est évidemment une excellente idée, et j'espère qu'il n'est que le tout petit début d'une évolution qui s'appliquera partout.Une "low tech" est considérée par Centrale Nantes comme utile (elle correspond à des besoins essentiels), durable (résiliente, robuste, réparable, recyclable), et éco-conçue pour que son impact écologique et social soit optimal sur l'ensemble de son cycle de vie.Ces trois critères sont inégalement faciles à mettre en oeuvre sur le plan pratique, et par ailleurs ils sont parfois antagonistes. L'avion, par exemple, est certainement "utile" à un parent dont les enfants ont émigré sur un autre continent. Pour autant, est-ce qu'un avion de masse et low tech est envisageable ? (l'avion à pédales transportera difficilement 4 milliards de passagers par an sur des vols internationaux :
https://t.ly/irc2S !).Dans le même esprit, l'ordinateur (ou le smartphone, qui est juste un ordinateur avec un écran plus petit), est assurément utile aujourd'hui : sans lui, il est plus difficile de gérer son compte en banque, d'acheter un billet de train, ou de communiquer avec ses semblables. Mais que serait un ordinateur - objet high tech par excellence : complexe, très mal réparable, à l'empreinte matière élevée par gramme de produit fini - low tech ?Il est certes possible de réparer un ordinateur en changeant sa batterie, mais impossible de réparer un microprocesseur, un écran tactile fissuré ou un puce de mémoire. Il est tout aussi impossible de recycler plus de la moitié des 50 métaux qui sont contenus dans l'ordinateur, qui sont plus dilués dans le produit fini que dans le minerai de départ.Une partie du cahier des charges devra logiquement se traduire en "plus simple", tout bêtement :- il faut diminuer le nombre d'éléments du tableau périodique nécessaires par objet, ce que les analyses de cycle de vie ne capturent pas bien. Rappelons qu'en 1800, 7 métaux (plus l'or et l'argent) suffisaient pour fabriquer tous les objets de l'époque,- diminuer la longueur des chaines de valeur : plus ces dernières sont complexes, plus elles sont fragiles dans un monde perturbé,- et développer un système de gestion des priorités entre l'utilité et la simplicité.Sur ce dernier point, reprenons l'exemple de l'électronique : le four digital qui démarre la cuisson tout seul alors que l'on surveille un enfant en train de jouer est "utile", mais il augmente la complexité et la longueur des chaines de valeur par rapport au four analogique, et il diminue la réparabilité du four. Comment arbitrer ?Une partie de la solution sera donnée par une analyse "système" : on pourrait considérer qu'un objet low tech existerait encore dans un monde largement démondialisé et dont les émissions diminuent de 5% par
an.Il y a donc du travail pour concevoir les objets appropriés, mais aussi... la méthode de conception des objets appropriés !