Après le smartphone, « machine à concentrer » les éléments de la croûte terrestre, cette semaine, nous allons parler « Mendeleïev dans le bâti ». Visibles ou dissimulés, les métaux, métalloïdes et autres éléments chimiques sont partout autour de nous, dans les produits électriques et électroniques, les équipements, les véhicules, les bâtiments, les infrastructures...Certains sont abondants ou même très abondants, comme l’aluminium (8% de la croûte terrestre), le fer (5%), mais également le titane (0,6%) ou le manganèse (0,1%) … d’autres sont rares – adoptons la définition, potentiellement contestable, d’un clarke (la teneur moyenne, en fraction de la masse, dans la croûte terrestre) de moins de 100 ppm (parties par millions), soit 0,01% –, voire très rares – moins de 100 ppb (parties par milliards), soit mille fois moins encore.Attention à ne pas confondre "terres rares" et métaux rares ! Le cérium, la plus commune des terres rares, est plus abondant que le cuivre et est utilisé, entre autres, dans les pierres à briquet (aux côtés du fameux néodyme, le même qu’on utilise dans les aimants permanents de certaines éoliennes offshore ou des micros et haut-parleurs high-tech) ; tandis qu’il y a des métaux bien plus rares que les terres rares, comme l’indium incorporé dans les écrans tactiles, l’argent, l’or, tous les platinoïdes, le rhénium indispensable aux turboréacteurs…Mendeleïev et son tableau s’invitent donc, plus ou moins intensément, dans toutes les formes de bâtis, des sous-sols aux toitures, des tuyaux de salles de bain aux peintures murales.Certains usages sont dissipatifs, comme les pigments dans les peintures ou les additifs dans les plastiques : la ressource ne peut pas être captée en fin de vie et termine "infiniment dispersée" (diluée et irrécupérable) dans les sols ou les océans – pensez à moi cet été quand vous étalerez votre crème solaire à l’oxyde de zinc et/ou au dioxyde de titane, ou que vous regarderez le feu d’artifice du 14 juillet !Dans d’autres cas, les métaux servent d’éléments d’alliage, comme le chrome ou le nickel dans les aciers inox, ou le cobalt et le tungstène dans les lames de rasoir par exemple – oui, vous pouvez aussi penser à moi en vous rasant si vous préférez ! La ressource est alors récupérée, mais tous les "petits" métaux sont souvent mélangés dans un "grand tout" et deviendront des éléments trace, des impuretés dans des aciers standards, "perdant" pour toujours leurs fonctionnalités…Il y a des exceptions notables, bien sûr, où l'on trie très correctement, comme les chutes d’usinage dans l’industrie, les filières de métaux spéciaux (batteries au plomb…), la récupération d’aciers inox… Mais globalement, l’économie circulaire n’est pas gagnée, et on n’a pas fini de piocher dans la croûte terrestre… Bonne visite !Merci
Sabine THOMAS et Kévin Deneufchatel pour l'illustration.