Je pense qu’il serait honnête de citer dans votre article Jacques ELLUL dont je viens de lire l’ouvrage « le bluff technologique ». La critique technologique était largement inaudible à son époque. Malgré quelques passages un peu datés ou rageurs qui peuvent faire sourire, c’est un travail considérable qui avait anticipé avec une belle clairvoyance bon nombre des graves dangers qui ont pris aujourd’hui des proportions inquiétantes.
Quelques exemples de high tech qui définissent par contraste ce que ne doit surtout pas être la low tech-
La machine à voter : une innovation destructrice du principe démocratique de base. Sous couvert de modernité, on fabrique une perte totale des possibilités de contrôle démocratique des scrutins. Un dépouillement manuel prend le temps qu’il faut mais est absolument compréhensible et contrôlable par tous les citoyens. Les fournisseurs de ces machines sont souvent dans l’incapacité d’expliquer comment est garantie la fiabilité et la sécurité d’une boite noire embarquant un logiciel inaccessible aux votants et dont on ne peut par principe même jamais être sur de l’absence d’une prise de contrôle malintentionnée.-
La carte sans contact : présentée comme révolutionnaire avec un argument massue : cela fait gagner du temps mais à qui ? personnellement, je pense là aussi que c’est un cran de plus vers la perte totale de contrôle sur la transaction.
En positif, je pense-
Autre projet en lien avec le précédent : applications de l’oloide qui permettent le brassage d’eau de façon beaucoup plus homogène avec un besoin en énergie très inférieur aux techniques de brassage classiques (
http://ozeau.fr)-
Au séchoir solaire
http://www.kitsechoirsolaire.com dont le témoignage de l’auteur sur sa démarche me parait très convaincant et représentatif de l’esprit low tech.-
certains automatismes ne faisant pas appel à des moteurs (vérins hydrauliques à dilatation permettant de gérer l’ouverture de serres en fonction de la chaleur)Sur les aspects liés au numérique,
je pense qu’il faudrait développer un peu plus les nombreux phénomènes provoquant l’inflation des données et évidemment les impacts induits.
La définition de la low-tech a l’impérieuse obligation d’introduire une réflexion approfondie sur la donnée produite, ses intentions, ses destinataires et ses usages :
la duplication en de nombreuses copies pour des raisons de disponibilité 24x7 de données stockées avec un taux statistiquement infime de réinvocations ultérieures (Les systèmes de stockage sur bande étaient de ce point de vue beaucoup plus économes.)-
La réorientation accélérée des mécanismes générateurs de profit des flux de matières et de l’énergie vers les flux de données.
Quand des activités doivent réglementairement ou par tendance inéluctable réduire les flux de matières ou d’énergie qu’elles traitent, elles déplacent leur business model vers la vente de données. La donnée, comme vous l’avez très bien souligné, est mise en avant comme support de dématérialisation et d’amélioration du service consommateur qui est en effet un leurre. La donnée c’est de la matière et de l’énergie !-
La (fausse) gratuité ou les services gratuits sont financés par des flux publicitaires dont les couts sont payés collectivement. Les flux de données de type sPAM sont un fléau mondial. Le pourcentage de donnée signifiante et réellement sollicitée devient très faible.-
Sous couvert de simplicité réellement attractive, les données sont stockées dans le cloud et donnent le plus souvent l’occasion de revendre la donnée et la valeur qu’elle représente à son propriétaire émetteur.
Enfin, je pense qu’une réflexion sur les low tech doit également aborder le sujet des indicateurs. J’ai travaillé sur le sujet des monnaies locales complémentaires et citoyennes qui réinterrogent en profondeur la notion de valeur. La valeur monétaire ne reflète plus l’utilité pour le bien commun puisque plus de 95 % des flux monétaires sont déconnectés de l’économie réelle. Il faut donc tenter de définir l’utilité d’une innovation low tech par d’autres indicateurs que le prix. Le système monétaire qui supporte l’économie ne peut subsister que par la poursuite d’une croissance exponentielle des crédits.Ce qu’on appelle « richesse » et que l’on mesure par le PIB repose sur une logique de flux (matière, énergie et maintenant données). On crée de la richesse même quand l’origine des flux est extractif et ses effets destructeurs. Je pollue l’eau je la dépollue crée de la richesse quand la préserver ou l’économiser n’en crée pas ! Un principe d’innovation low tech qui ne s’extrairait pas de cette logique serait donc voué à l’échec.
La low tech doit donc s’inventer ses propres indicateurs d’efficacité en privilégiant les aspects sociaux et environnementaux moins aisés à modéliser et quantifier que les flux monétaires